Préambule
Suite à la série de brèves ''Un jour, une époque", Bouvron Patrimoine présente un édito spécial consacré à l'ilot Datin. Cet éditorial détaille les grands évènements historiques et les changements majeurs de cette bâtisse au cours des siècles jusqu'à aujourd'hui. Illustré de collections d'archives, de photographies historiques et de relevés iconographiques in situ, ce dossier spécial est l'ébauche d'un travail plus important que mène l'association Bouvron Patrimoine afin de préserver cet élément patrimonial.
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Extrait de la carte de Cassini
1750 - 1815 © IGN
Un château médiéval
dans le bourg de Bouvron
Lorsque la commune de Bouvron fait l’acquisition de l’îlot Datin en 2012, personne ne se doutait que l’immeuble renfermait un trésor architectural du Moyen-Age : il révèle effectivement conserver presque intacte, à l’étage, une chambre avec cheminée et, sculptées sur son manteau, des armoiries (blason). De chaque côté du mur pignon qui supporte la cheminée, deux fenêtres murées aux proportions très anciennes. Couvrant le tout, un plancher constitué d’une grosse poutre, de solives avec une terrasse faite de bardeaux et de torchis. Des passionnés d’histoire ont montré ces éléments à des spécialistes (architecte du patrimoine, tailleur de pierre et spécialiste du moyen-âge : ils sont unanimes pour déclarer que ces éléments sont exceptionnels, qu’ils sont antérieurs au 16e siècle et qu’il s’agit d’une ancienne résidence d’un personnage noble.
ci-contre, Plan du bourg en 1758. Le Nord est à gauche. La « Malrue », rebaptisée malheureusement au 20è siècle « rue des étangs » est le seul axe Nord-Sud qui traverse le petit bourg de Bouvron. Le château de Boisjourdan ou autrement appelé la Grand’Maison est l’édifice remarquable après l’église, pour le voyageur qui traverse le bourg. », © Archives nationales
La chambre médiévale avec sa cheminée ornée des armoiries sculptées sur son manteau
Identifier les armoiries figurant sur
le manteau de la cheminée
Après des recherches approfondies, on finit par trouver le propriétaire des armes qui se lisent « un rencontre de cerf et deux oiseaux l’accompagnant » : il s’agit de Pierre Raboceau. Un personnage important en Bretagne au 15e siècle, secrétaire de deux Ducs, Pierre II et François II, mais surtout connu à Bouvron, où le duc Pierre de Bretagne lui accorde des lettres de franchise (exonération de payer l’impôt sur les feux) pour ses maisons dont l’une « au bourg de Bouvron en la Malrue » (d’après les archives départementales de Loire-Atlantique). La Malrue littéralement « la mauvaise rue » débaptisée récemment « rue des étangs », (sortie Nord de la place de l’Abbé Corbillé), pouvait, dans un passé lointain, représenter la totalité de l’axe Nord-Sud qui traversait le petit bourg de Bouvron. En effet, au Moyen-Age, la maigre agglomération seulement constituée de son église Saint-Sauveur, des maisons autour de sa place, était traversée par une ruelle tortueuse et sans doute difficilement carrossable du fait du contournement du cimetière autour de l’église.
En haut à gauche, détail des armoiries sur la cheminée.
Ci-dessus, reconstitution dessinée du blason (© P.Maillard)
Ci-dessus
Armes de Jan Fourché, sieur de la Courosserie, anobli par la charge d’échevin et maire de Nantes. 1597 (Nobiliaire et armorial de Bretagne, Potier de Courcy)
La maison de Pierre Raboceau passe ensuite dans les main des Fourché
À partir de 1566 (et peut-être même avant) la maison noble est occupée par Pierre Fourché, Sieur du Bezou, riche marchand, marié à Jeanne de Moire. Ils seront les parents de Jan Fourché, auditeur à la chambre des comptes de Bretagne et maire de Nantes en 1596. C’est lui qui achète le domaine de Quéhillac et en devient le seigneur, anobli par sa charge d’échevin et de maire de Nantes. En 1614, Jan Fourché hérite de ses parents de la « maison de Bois-Jordeau à Bouvron ». Une branche de la famille Fourché conserve le manoir jusqu’à la Révolution, puisqu’en 1788, le 24 Octobre « a été inhumé le corps de messire François Angélique de Fourché, ancien officier de dragons, vivant époux de Lucrèce Augustine de Becdelièvre, décédé la veille en ce bourg, en son château de Boisjourdan, à environ 73 ans ».
Ci-contre, un Major du régiment Saintonge, en 1768, (P.Maillard)
Extrait de la Carte de l'Etat-Major
1820 - 1866 © IGN
Le château de Boisjourdan
Également appelé au 19e siècle la Grand’maison, est vendue ensuite en 1847 par François Libault de la Chevasnerie, héritier de la fille de François Angélique et de Lucrèce de Becdelièvre, à Louis Datin et Marie Civel. On connait la suite. Les Datin commerçants dans le Bourg de Bouvron garderont la propriété environ 160 ans en lui faisant subir un « rajeunissement » dans un style néoclassique de la fin du 19è siècle. En 2008, la commune de Bouvron achète l’îlot sans avoir vraiment une idée précise de la destination qu’elle veut lui donner… C’est en 2012 que Patrice Maillard, sur les indications d’un conseiller municipal, ayant remarqué une « sculpture » dans les dépendances, à l’arrière, découvre cette chambre médiévale extraordinairement conservée et qui révèle l’identité d’un lointain propriétaire, il y a quelques 600 ans !
Ci-contre
Souche de cheminée, dépendances Datin rue A. de Serrant : monogramme des acquéreurs de la Grand’Maison en 1847 : Louis Datin et Marie Civel. (P.Maillard)
ci-dessus
Extrait du Cadastre Napoléonien, 1835. L’église est entourée de son cimetière. Au sud, sur une grande parcelle, une construction importante est visible, implantée entre cour et jardin, le château de Boisjourdan. (le Nord est en haut), © Archives dép. de L-A.
Superposition de la photo aérienne d'aujourd'hui et du Cadastre Napoléonien de 1835, révèle que la pièce abritant la cheminée correspond au pignon Ouest de la bâtisse. (IGN, Archives dép. de L-A)
Essai de restitution du château de Boisjourdan vu devant l'ancienne église Saint-Sauveur (à gauche). A droite, la route de Savenay (© P.Maillard)
ci-dessus
Photographie depuis le clocher de l'église de l'îlot Datin, décembre 2009, (J.Surget)
ci-dessus
Photographie de la place bourg, 1960 env., (Archives dép. de L-A)
en haut a gauche
Carte postale de la place devant l'église, 1930. A droite, la façade du bâtiment Datin (collection privée)
en haut à droite
Place de la Mairie et route de Malville vers 1910. Au fond, faisant l’angle Sud-Ouest de la place de l’Abbé Corbillé : les façades Datin à l’emplacement même de Boisjourdan. Le piquage de l’enduit pourrait à lui seul faire ressortir les ouvertures du manoir médiéval murées, (carte postale ancienne, Héliotypie Dugas, coll. privée)
ci-contre
Carte postale ancienne de la place devant l'ancien clocher de l'église, 1930 (collection privée)
ci-contre
Facture de la maison Hyppolyte Datin, négoce de produits agricoles, 1934, (collection privée)
ci-dessus
Carte postale de la place Waldeck-Rousseau, 1934. Façade de l'ilôt Datin à droite (collection privée)
Un avenir incertain pour l’îlot et ses vestiges médiévaux
La commune décide de lancer un projet d’aménagement du centre-bourg incluant une « place gauloise », un bosquet, des terrasses, la démolition de l’ilot Datin et la construction d’un nouvel îlot urbain. Depuis le mois d’octobre 2020, l’association Bouvron Patrimoine milite pour la conservation de l’îlot et de son identité architecturale typique du centre-bourg. C'est grâce à l'action de Bouvron Patrimoine que la DRAC a pu enfin effectuer une visite du site en novembre 2020. Cela lui a permis de constater tout l'intérêt patrimonial et archéologique du bâtiment. La DRAC va pouvoir maintenant mener à bien une étude archéologique, dans le cadre de l'aménagement du bourg et Bouvron Patrimoine va continuer à œuvrer auprès de la municipalité et des Bouvronnais pour la conservation et la mise en valeur de ce joyau du Moyen-Âge.
Les singularités des centres-bourgs s’incarnent dans leurs patrimoines, l’îlot Datin en est une. Une singularité pittoresque qui constitue l’une des richesses de Bouvron. Une richesse qui mériterait d’être considérée comme une ressource touristique, économique et sociale aux valeurs patrimoniales à préserver et à restaurer. Bouvron Patrimoine s’active pour convaincre les élus de conserver ce bâtiment et ses vestiges, afin que ceux-ci soient valorisés auprès du plus grand nombre.
à suivre.
ci-dessus
Vue d'ambiance du futur projet d'aménagement. Le bâtiment Datin est détruit pour laisser la place à des îlots R+3, (TICA)
Façade Ouest du bâtiment Datin, extrait de la série photographique Devantures
© V.Guiné
Crédits
Editeur
Bouvron Patrimoine
Auteurs textes et légendes
Patrice Maillard
Vincent Guiné
Illustrations
Photos et cartes postales : collections privées Patrice Maillard, Vincent Guiné, Jean Surget et collections Archives départementales de Loire-Atlantique
Cartes : Institut national de l'information géographique et forestière IGN, Archives départementales de Loire-Atlantique, Archives nationales
Dessins : Patrice Maillard, Potier de Courcy
Autres éléments iconographiques : TICA urbanistes